Il me semble qu’à maintes reprises j’ai pu déjà ici même vous vanter les mérites du Carignan blanc vinifié par Daniel Le Conte des Floris, vigneron à Pézenas. C’est un fait, sa cuvée Lune Blanche fait désormais autorité. Une référence comme on dit, elle a sa place parmi les grands vins blancs du Languedoc, ceux que l’on garde 5 ans minimum avant de goûter ce qu’ils ont dans le ventre, ce qu’ils ont à nous livrer de pureté et de droiture, par exemple sur une poularde aux champignons à peine crémés. Le Carignan de ce secteur, plus précisément entre Caux et Nizas, est décidément bien considéré dans mes dégustations : rappelez-vous de mon chouchou de l’été, le Clos des Papillons, souvenez-vous aussi des belles bouteilles sorties des chais de Basile Saint-Germain aux Aurelles dans mes premiers papiers hélas aujourd’hui introuvables sur le net.
En quoi cette région représente-t-elle un intérêt particulier pour les vignerons dePézenas, de Caux ou des environs ? En cette partie de l’Hérault, l’activité volcanique de la fin du Tertiaire a laissé des coulées de lave aujourd’hui visibles (parfois sous forme d’éboulis) sur un plateau d’environ 350 ha et de faible altitude en partie exploité par des carrières de basaltes. Mais les vignerons du pays ont aussi trouvé refuge sur ces terrains où le Carignan était planté jusque dans les années 70 en compagnie du Grenache, bien avant que la Syrah ne fasse son trou dans le vignoble languedocien.
Lorsque l’année le permet, et que la qualité est au rendez-vous en même temps qu’une certaine quantité, Daniel Le Conte des Floris s’autorise cette cuvée spéciale issue d’une parcelle influencée par la présence du basalte. Le dernier millésime dans cette cuvée, après 2004, était 2007. Aujourd’hui, je goûte en avant-première leLanguedoc Pézenas tout nouveau-né, un 2014 quasi pur jus Carignan que l’on peut se procurer au domaine pour la modique somme de 15 €. Autant le dire tout de suite, ce vin est à mes yeux un monument ! Un vin de collection, exemple probablement unique de ce que mon cher Carignan peut donner sur ce type de terroir. Au passage, ce vin démontre en plus l’extraordinaire flexibilité de ce cépage sur des sols variés allant du calcaire au schiste en passant par le sable, le granit et… le basalte.
Le nez est pointu, hyper fin, avec des notes de gelée de petits fruits rouges et de poudre de pierre sur fond de poivre gris. En bouche, la trame du vin impressionne. Il laisse l’image d’un bloc rocheux qui promet d’être difficile à pénétrer. On devine au début, après une heure d’aération dans le verre, un aspect serré et ferme en attaque. Puis le vin tapisse la bouche de sa fraîcheur et de cette minéralité poudrée évoquée au nez. Une fois le palais conquis, il devient souple, aimable, presque soyeux, mais sans douceur, sans mollesse. Le palais reste en éveil un long moment et le vin fait sa révérence de manière élégante laissant de fines touches de fraise des bois et de merises confites en guise d’adieux. Un vin charmeur, persistant, prenant et même envoutant qui doit s’épanouir de préférence entre 2020 et 2025. Je le verrais bien accompagnant une gigue de chevreuil ou un cuissot de sanglier cuit à la broche.
Michel Smith
A retrouver sur https://les5duvin.wordpress.com/2015/10/25/carignan-297-basaltique-cest-magnifique/